La complexité du secteur fait obstacle à la numérisation

janvier 2023

Markus Weber est, entre autres, co-initiateur et président de "Bauen digital Schweiz" ainsi que co-initiateur et membre du comité directeur de "netzwerk_digital". Dans un entretien avec Immo!nvest, il explique où en est le secteur en matière de numérisation et où il identifie les plus grands potentiels.

A propos de la personne :
Markus Weber est un expert reconnu de la planification, de la construction et de l’exploitation d’objets de construction basés sur le numérique. En tant que co-initiateur et président de « Construire en numérique Suisse », il a marqué de manière durable la transformation numérique du secteur suisse de la construction et de l’immobilier. « Construire en Suisse est également le « home of buildingSMART Switzerland » et fait donc partie de la communauté internationale BIM. En tant que co-initiateur et membre du conseil d’administration du « netzwerk_digital », il s’engage au niveau national pour une voie ordonnée et efficace de la Suisse vers la numérisation.
zient. Il est également co-directeur de la filière d’études BA/BSc Digital-Construction et du programme de formation continue CAS/DAS/MAS Digital Construction à la Haute école de Lucerne (HSLU).

Monsieur Weber, qu’est-ce qui vous fascine dans le thème de la numérisation ?
Elle offre d’énormes opportunités et met à disposition de nouvelles technologies et de nouveaux outils. La numérisation est synonyme de mise en réseau : elle nous permet de mettre en œuvre des processus plus efficaces et de meilleure qualité, avec un impact sur la durabilité. Les émissions sont réduites et l’économie circulaire est encouragée. En outre, les technologies numériques et les nouveaux outils créent des emplois plus attrayants, ce qui devrait remédier à la pénurie de main-d’œuvre qualifiée.

Quels sont les objectifs de « Construire en Suisse » ?
Nous voulons créer un écosystème numérique dans lequel les données, les technologies, les processus et les méthodes sont interconnectés et interagissent les uns avec les autres. Nous mettons en réseau les différentes parties prenantes tout au long de la chaîne de valeur, nous coordonnons et créons des synergies. Nous rendons les « pratiques » visibles et facilitons le passage de la « pratique » à la « meilleure pratique », étape par étape.

De quoi s’occupe « netzwerk_digital » ?
Le comité travaille depuis un peu plus d’un an à l’esquisse d’une vision ou plutôt d’un objectif commun pour le secteur suisse de la construction. Une première ébauche sera disponible début 2023. Nous souhaitons ainsi entamer un dialogue avec les autres parties prenantes et présenter une version consolidée au public lors de Swissbau en janvier 2024.

Le secteur de la construction est considéré comme l’un des secteurs économiques les moins numérisés. A quoi cela est-il dû ?
Cela est dû, entre autres, à la fragmentation – nous trouvons ici une chaîne de création de valeur séquentielle, caractérisée par de nombreux acteurs différents. Ces nombreuses interfaces, les conditions-cadres et les lois et réglementations croissantes représentent une grande complexité. C’est pourquoi la numérisation prend plus de temps dans ce secteur qu’ailleurs.

Les PropTech sont actuellement sur toutes les lèvres. Le secteur de l’immobilier et de la construction exagère-t-il sur ce sujet ?
Dans le contexte de la numérisation, de nombreuses petites entreprises voient le jour, qui se concentrent sur de nouveaux produits, simplifient les processus et favorisent la durabilité. D’un côté, c’est une aubaine, car ces entreprises font avancer la numérisation avec de nouvelles connaissances et beaucoup de passion. D’autre part, le secteur de la construction est dépassé par l’hétérogénéité des possibilités et des outils qui en résultent.

Comment y remédiez-vous ?
Notre rôle est d’apprendre à utiliser ces nouveaux outils et leurs possibilités. Je suis notamment codirecteur des nouvelles filières de bachelor BA/BSc Digital Construction à la Haute école de Lucerne – la transmission de ces connaissances et l’utilisation des processus, méthodes et technologies basés sur le numérique constituent une partie importante du cursus.

La Suisse contribue à définir le thème de l’open BIM au niveau international. Peut-ondire que le BIM fait aujourd’hui partie des standards en Suisse ?
Il est difficile de répondre à cette question. J’estime que le BIM fait partie de la norme pour environ 30 pour cent des projets de construction et de transformation. Inversement, ce n’est pas le cas pour 70% d’entre eux. Parmi les utilisateurs du BIM, on compte une majorité de maîtres d’ouvrage professionnels et surtout ceux qui se concentrent sur l’ensemble du cycle de vie – c’est-à-dire qui développent, planifient, construisent et finalement exploitent. Les hôpitaux en sont un bon exemple – pratiquement tous les nouveaux hôpitaux suisses sont conçus avec le BIM. Cependant, tous les BIM ne se valent pas : il existe de grandes différences dans le degré d’implémentation et l’utilisation. Et surtout, beaucoup de marge de progression.

Vous avez dit un jour que les projets BIM suisses n’exploitaient pas tout leur potentiel. Est-ce que cela a changé entre-temps ou que faut-il faire pour que les choses changent ?
Nous sommes encore au début de la numérisation dans le secteur de la construction et de l’immobilier. En ce sens, je vois un grand potentiel de progression. Nous devons rapprocher et mettre en réseau la chaîne de valeur complexe mentionnée. Au final, il s’agit de processus continus et basés sur les données. Nous nous trouvons ici dans un changement de culture : la culture actuelle est marquée par la délimitation et la protection : chaque acteur traite sa partie de la chaîne de création de valeur. La numérisation signifie que chaque acteur devient une partie de ce processus continu. Pour faire progresser durablement ce changement de culture, de la délimitation à la coopération, nous avons simplement besoin d’un peu de temps.

Où situez-vous la Suisse dans le domaine de la « smart home » et où voyez-vous un potentiel d’amélioration ?
Le terme « smart home » n’est pas clairement défini. Pour moi, une « smart home » est un bâtiment qui répond le mieux possible aux multiples exigences de l’avenir : Cela implique en premier lieu qu’un bâtiment soit considéré comme un système. Les différentes disciplines, telles que l’isolation thermique, le chauffage et la ventilation, sont parfaitement adaptées les unes aux autres, et le bâtiment réagit automatiquement aux influences internes et externes. Le bâtiment, quant à lui, fait partie de systèmes plus vastes : Par exemple, de nombreux bâtiments sont aujourd’hui capables de produire leur propre énergie et font donc partie du système d’approvisionnement énergétique de la Suisse.

Vous vous engagez pour le « bâtiment en tant que système » en mettant l’accent sur la stratégie énergétique 2050. Comment peut-on l’imaginer dans la mise en œuvre concrète ?
En bref : Le bâtiment est un système tout en étant intégré à différents systèmes. Il doit répondre à des exigences très diverses : Les différentes disciplines doivent travailler ensemble de manière optimisée – en même temps, le bâtiment est int -égré dans des systèmes. L’économie circulaire doit également être considérée comme un système fermé, les bâtiments individuels devenant une partie de ce système.

Pouvez-vous développer ce point ?
Les matériaux utilisés dans un bâtiment peuvent être inventoriés à l’aide des technologies numériques et le parc immobilier suisse devient ainsi un dépôt de matériaux structuré et lisible par machine. Lorsqu’un bâtiment ou une partie de celui-ci est déconstruit, les matériaux utilisés peuvent ainsi être remis en circulation de manière ordonnée, éventuellement préparés et reconstruits.

Dansquelle mesure le secteur suisse de la construction est-il aujourd’hui sensible à la prévention de l’énergie grise et comment peut-on la réduire davantage dans les projets de construction ?
Il existe un grand potentiel dans ce domaine, comme le montre l’exemple précédent sur l’économie circulaire. La construction produit beaucoup de déchets qui ne sont pas réintroduits dans le cycle. La planification numérique ou les modèles numériques de bâtiments aident à déterminer plus précisément les matériaux nécessaires et à les préfabriquer de manière à ce qu’il n’y ait pratiquement pas de déchets lors de la construction. Par exemple, la conception, la préfabrication et la pose d’armatures pour les constructions en béton sont basées sur des modèles, ce qui réduit considérablement les déchets de ferraillage.

A quoi ressemble pour vous le bâtiment idéal de l’avenir ?
Mon bâtiment de l’avenir doit utiliser l’espace urbain de manière durable, ne pas émettre d’émissions et être composé de matériaux qui peuvent être facilement séparés et recyclés à 100 % lors de la déconstruction. Le concept d’espace doit pouvoir évoluer dans une certaine mesure et s’adapter aux besoins changeants des habitants. Il doit communiquer avec les occupants : Si, par exemple, tout le monde est au travail ou à l’école pour les huit prochaines heures, la consommation d’énergie doit être automatiquement réduite au minimum. Il doit pouvoir réagir intelligemment à une sous-production ou une surproduction d’électricité à court terme.

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