Pourquoi 2026 pourrait être une année de grève de la construction

Deux mondes s'affrontent dans le secteur de la construction. Les ouvriers du bâtiment qui, après des années de baisse des salaires réels, exigent des horaires de travail favorables à la famille et une indemnisation complète, et les entrepreneurs qui réclament une plus grande flexibilité et une stabilité des coûts. Si une nouvelle convention nationale n'est pas signée d'ici la fin de l'année, nous risquons de nous retrouver sans convention pour la première fois depuis plus d'une décennie et, avec elle, une grève nationale de la branche dès le début de 2026.

décembre 2025

La convention nationale pour environ 80’000 travailleurs du secteur principal de la construction règle les salaires, les temps de travail et de déplacement, les suppléments ainsi que la protection contre le licenciement et expire fin 2025. Après plusieurs rondes de négociations infructueuses, Unia et Syna avertissent qu’en l’absence d’accord, une situation de vide conventionnel s’installe et qu’un conflit social national est probable

Parallèlement, les journées de protestation, récemment organisées dans plusieurs villes du Tessin, accentuent la pression sur les employeurs et signalent une forte propension à la grève au sein de la base. Lors d’une grande enquête, environ 90% des 20 000 travailleurs du bâtiment se sont prononcés en faveur de mesures de grève si aucun compromis viable n’était trouvé

Revendications des syndicats
Les syndicats se concentrent sur trois thèmes : des horaires de travail plus favorables à la famille, des temps de déplacement plus sûrs sur le plan juridique et la garantie du pouvoir d’achat. Ils demandent notamment un maximum de huit heures par jour, une pause goûter payée, la prise en compte intégrale du temps de trajet pour se rendre sur le chantier, une compensation garantie du renchérissement ainsi que des augmentations de salaire réelles après des années de baisse des salaires réels

La pratique actuelle, selon laquelle les temps de déplacement ne sont souvent payés que partiellement ou pas du tout, a été critiquée par le Seco comme n’étant pas conforme au droit du travail impératif, ce qui augmente la pression pour que ce point soit clarifié de manière contraignante dans la nouvelle convention. Du point de vue des syndicats, l’amélioration des conditions est en même temps une réponse à la pénurie de main-d’œuvre qualifiée qui touche le secteur principal de la construction depuis des années

Position des entrepreneurs
La Société Suisse des Entrepreneurs fait référence à des salaires minimaux déjà élevés dans toute l’Europe et propose une adaptation automatique au renchérissement sur les salaires minimaux ainsi que des augmentations de salaire supplémentaires par le biais d’allocations dans les années à venir. Parallèlement, elle insiste sur une plus grande flexibilité, des horaires de travail journaliers et annuels, davantage d’horaires flexibles, le travail de certains samedis sans supplément et des adaptations en cas d’intempéries

Du point de vue de la fédération, les revendications des syndicats font grimper les coûts salariaux de 12 à 15% et mettent en péril la compétitivité du secteur, en particulier face à l’augmentation des coûts de la construction et à l’incertitude des commandes. En ce qui concerne la protection contre le licenciement des travailleurs âgés, la fédération signale certaines concessions, mais les lie à un accord sur le paquet salarial

Escalade ou compromis ?
Les syndicats avertissent que le modèle de flexibilité des employeurs se traduira par des heures de présence plus longues, jusqu’à 50 heures par semaine, davantage d’heures supplémentaires sans supplément et une plus grande insécurité en cas de baisse des commandes, avec des risques particuliers pour les travailleurs âgés du bâtiment. A l’inverse, la Société suisse des entrepreneurs critique les journées de protestation comme une violation de l’obligation contractuelle de paix et reproche aux syndicats de bloquer une CN durable avec des revendications maximales

C’est à la table des négociations que se décidera dans les prochaines semaines si 2026 débutera effectivement par une grève nationale de la construction. C’est là qu’il faudra transformer des positions fermes en un compromis viable pour un secteur qui subit simultanément la pression des coûts et de la main-d’œuvre qualifiée.

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